Cabanaconde, confinement au cœur des Andes péruviennes

Après 6h de bus depuis Arequipa, et un va-et-vient des locaux qui montent et descendent du bus, c’est dans une ambiance presque londonienne que nous arrivons au village de Cabanaconde à la tombée de la nuit : petit crachin et brouillard, mais à 3 300 m d’altitude.

Le brouillard, un signe prémonitoire de ce qui nous attend pour la suite de notre périple. Nous ne le savons pas encore, mais nous allons naviguer à vue dans les prochains jours, prochaines semaines et même prochains mois…

Nous avons choisi de loger à l’hôtel Pachamama, a priori l’un des plus sympa du village. Si nous sommes confinés, autant l’être dans les meilleures conditions possibles. Nous préparons nos sacs pour descendre dès le lendemain matin de notre arrivée dans le canyon de Colca pour 3-4 jours. Mais dès qu’on se réveille, il nous est confirmé qu’un confinement général du pays va être décrété de façon imminente. De crainte de perdre notre logement, ou pire d’être coincés dans un village au fond du canyon, nous renonçons au trek et attendons l’annonce officielle du président péruvien. Nous nous contentons d’une petite balade, pas loin du village, pour avoir un aperçu du canyon et rencontrer notre premier condor.

Heureusement, Ludwig, le propriétaire de Pachamama est particulièrement arrangeant : les touristes déjà présents peuvent rester et une pension complète est proposée à un tarif raisonnable. La mise en quarantaine du pays est confirmée, nous voilà confinés jusqu’au 30 mars.

Ces quinze premiers jours s’écoulent tranquillement, dans une bonne ambiance avec les autres touristes encore présents : allemands, autrichiens, russes, américains, canadiens et français. Sarah a même droit à un dixième anniversaire digne de ce nom compte tenu des circonstances, avec pas moins de deux gâteaux, un confectionné par les allemands et un deuxième par la femme de Ludwig et quelques petits cadeaux achetés sur place.

L’annonce de la première prolongation du confinement jusqu’au 12 avril change la donne. La quasi totalité des touristes, sauf nous, souhaite partir et Ludwig met l’ensemble de son personnel au chômage à partir du 31 mars. Finie la pension complète, nous aurons accès à la cuisine pour préparer nos repas. 

Début avril, nous assistons au départ des touristes, les uns après les autres, selon l’efficacité de leur ambassade, jusqu’à nous retrouver tous seuls.

L’isolement dans un hôtel de montagne ne nous fait heureusement pas basculer dans la folie de « Shining », mais nous fait doucement entrer dans la boucle temporelle d’ « Un jour sans fin », le jour de la marmotte en moins.

Les jours se succèdent selon une routine bien établie : école, lessive, courses, cuisine, repas, jeux, film, dodo. Les enfants, eux, vivent la période comme des vacances dans le voyage. Ils ont l’hôtel entier pour jouer : Sarah organise des chasses au trésor pour son frère, et une cabane est installée sur la terrasse. Le confinement ne les perturbe pas vraiment, bien au contraire !

Nous partageons également notre quotidien avec Manu et Katy, deux employés bloqués avec nous qui ne peuvent rentrer chez eux. Manu est un rayon de soleil toujours de bonne humeur. Géologue, guide, il parle quatre langues, dont le français. Il profite du confinement pour en apprendre une cinquième : l’allemand. Katy, qui vient d’un petit village à plusieurs heures de route de Cabanaconde, est arrivée début mars à l’hôtel Pachamama pour la saison touristique, déjà terminée… Très bonne cuisinière, elle nous fait goûter des plats péruviens et partage quelques recettes. Ça nous change, car même si le village est bien approvisionné en produits frais, le choix des viandes est très limité : c’est poulet ou alpaga en alternance un jour sur deux. Par contre, les après-midi crêpes ravissent les enfants.

RECETTE DU PISCO SOUR
Le Pisco, c’est de l’eau-de-vie de raisin, un alcool fièrement revendiqué par les Péruviens.
Le cocktail Pisco Sour est un incontournable du Pérou.
– 2 doses de pisco (dose de 4cl environ)
– 1 dose de citrons verts
– 1 dose de sirop de sucre
– 1 blanc d’œuf
– Glaçons
– Bitter Angostura (optionnel)
À l’aide de votre shaker, secouez énergiquement 30 secondes tous les ingrédients sauf les glaçons. Une fois que cela mousse bien, ajoutez les glaçons dans le shaker. Mélangez à nouveau puis versez la préparation en filtrant les glaçons.
Déposez quelques gouttes d’Angostura sur la mousse de votre mélange.

La deuxième prolongation jusqu’au 26 avril entame un peu plus le moral, mais nous nous retranchons derrière la conviction qu’il nous faut tenir pour pouvoir poursuivre l’aventure. Nous déclinons donc toutes les propositions de vols de retour vers la France de l’ambassade. Le tout dernier vol est parti le 22 avril, et nous l’avons laisser partir sans aucune hésitation ni regrets. 

A ce stade, l’autorisation de sortie reste limitée à un adulte par famille, pour aller acheter à manger. C’est en général Véronique qui s’y colle et qui finit par connaitre par cœur les petits magasins du village. Ici, le poulet et l’alpaga. Là-bas, les courgettes et les mangues. Dans cet autre les pommes de terre et les brocolis… nous avons de la chance, la région produit beaucoup de produits frais.

Ces sorties sont également l’occasion d’apprécier les belles tenues traditionnelles, en général portées par les mamies du village.

Lorsque le président annonce la troisième prolongation jusqu’au 10 mai, il nous fait miroiter un petit espoir en laissant entendre qu’il n’a pas l’intention d’aller au-delà. On y croit !

De plus, à partir de fin avril, nous gagnons une petite marge de liberté grâce à Manu. Ami d’enfance du commissaire de police de Cabanaconde, Manu a réussi à négocier la possibilité de sortir se promener aux alentours du village. Le confinement national est toujours en vigueur et cette autorisation de sortie est officieuse, il nous faut donc être relativement discrets. Quelques policiers circulent à pied dans la ville pour s’assurer que chacun porte les masques. Il n’y a aucun cas de Covid dans le village et cela fait plus d’un mois que nous y sommes confinés. Si le virus arrive, cela ne sera pas à cause de nous…

Masques sur le visage, nous profitons enfin de nos premières sorties tous ensemble. En dehors du village, lorsque nous ne croisons plus personne, nous ôtons le masque. C’est l’avantage d’être dans la montagne. Pour l’anecdote, à cette époque, alors que la pénurie de masques sévit en France, nous en trouvons dans presque toutes les échoppes du village. Cabanaconde, village de 1 000 habitants perdu dans la montagne au fin fond du Pérou… 

Plusieurs miradors offrent une vue spectaculaire sur le canyon de Colca, plus haut canyon du monde en altitude. Ils permettent également de s’adonner à ce qui va devenir notre activité de prédilection pour les jours à venir : observer les aigles et les condors qui survolent régulièrement le canyon.

Pour notre première vraie randonnée depuis plus d’un mois, Manu nous fait traverser la campagne jusqu’aux ruines de Kallimarca. Elles constituent les dernières traces de l’empire Huari, premier empire de la région, bien avant les Incas. Nous sentons vite que nous avons perdu toute la condition physique accumulée pendant notre première partie de voyage, mais ça fait tellement de bien ! A cela s’ajoute l’altitude, et l’on sent bien que le souffle arrive vite à manquer. La vue est imprenable sur les terrasses, sur les montagnes et le volcan éteint Hualca-Hualca (6 025 m) et sur le village de Cabanaconde.

Nous passons les jours suivants à faire tous les miradors proches du village, puis à les refaire et enfin à les re-refaire…

Les locaux ne s’étonnent plus de nous voir sortir et sont même plutôt bienveillants. Nous faisons désormais tellement partie des murs qu’une des commerçantes demande à Véronique si nous allons nous installer à Cabanaconde ! Même si l’expérience de vie est incontestablement unique, ce n’est pas vraiment dans nos plans…

La fin de la troisième prolongation approchant, nous attendons fébrilement la décision du président. Bon signe, un plan de déconfinement en 4 phases circule dans les journaux péruviens depuis quelques jours. Sauf que le président douche nos espoirs : un dernier effort est demandé car le taux de reproduction du virus est encore légèrement au-dessus de 1. Une quatrième prolongation est donc prononcée jusqu’au 24 mai… 

Cela fait maintenant près de 2 mois que nous sommes confinés à Cabanaconde, et les prolongations de 15 jours en 15 jours ne nous donnent aucune visibilité. Sauf que cette fois, grâce à Manu, nous avons l’opportunité de bouger dans un autre village, Yanque, situé à une cinquantaine de kilomètres, également au bord du canyon. C’est pour nous l’occasion de rejoindre d’autres familles françaises également confinées la-bas. Une autre raison qui nous fait changer de village, c’est qu’il n’y a pas de distributeur d’argent à Cabanaconde. Le coût de la vie est certes bas, mais l’argent que nous avions retiré il y a 2 mois à Arequipa commence sérieusement à manquer.

Avant de quitter Cabanaconde, et faute d’être autorisés à aller au fond du canyon, nous tenons à descendre au moins jusqu’à la moitié. Si la descente ne pose pas trop de difficultés, la remontée est terrible avec ses près de 500 mètres de dénivelé en zigzag.

C’est étrangement non sans une petite pointe de stress que nous préparons nos bagages. Nous avons un peu perdu notre technique de rangement si bien rodée, mais la perspective de bouger à nouveau redonne de la dynamique. 50 kilomètres, ce n’est pas le bout du monde, mais désormais nous nous contenterons de tout ce qui sera possible…

Et c’est surtout non sans émotions que nous quittons Manu et Katy après toutes ces semaines passées avec eux. Encore merci à eux pour leurs sourires au quotidien et les bons moments passés ensemble pendant ce confinement !

Prochaine étape : Un nouveau jour sans fin…

LES BONS PLANS DES 8 PIEDS :

Chambre pour 2/4/6 personnes, Hotel Pachamama +51 959 316 322
Dans le centre de Cabanaconde, eau bien chaude, chambres confortables , resto en bas de l’hôtel, et personnel extrêmement accueillant.
Un grand merci à Ludwig, Manu, Katy et tout le personnel de nous avoir accueilli 2 mois pendant le confinement !

Rando à faire sur plusieurs jours (pas faite à cause du confinement, mais recommandée par Manu) – voir carte ci dessous
Jour 1 : Cabanaconde – Llahuar
Jour optionel : LLahuar – Fure
Jour 2 : Llahuar (Ou Fure si option) – Oasis de Sangalle
Jour 3 : se reposer, profiter des termes et piscines !
Jour 4 : Oasis de Sangalle – Cabanaconde (1000 m de dénivelé, partir très très tôt le matin car il fait vite chaud)
Il y a des logements dans chacun des villages. Prendre un maillot de bain, piscines et thermes en bas !

Randos et balades à la journée :
– Mirador Achachihua
– Mirador San Miguel
– Mirador Cosnirhua
– Mirador Cruz del Condor. Pas fait à cause du confinement. à 15km de Cabanaconde. Pour s’y rendre, prendre le bus public sur la place du village pour 1 sole. Ou sinon transports privés.
Lieu extrêmement touristique, il faut aimer la foule.
Pour garantir la présence de condors, les gardiens du lieu les nourrissent…
– Depuis la Cruz del condor, possibilité de voir des geysers en randonnée ou 4×4. (confinement et route effondrée, nous n’y sommes pas allés).
– Mirador et ruines Kallimarca. Compter une demi journée A/R depuis Cabanaconde. Superbe vue de la région.

Heures pour voir les Condors :
Mirador Achachihua : en général, condors vers 10h-11h
Mirador San Miguel : en général, condors entre 15h et 17h (parfois aussi en fin de matinée)
Mirador Cosnirhua : nous les avons surtout vu en fin de matinée, mais parfois aussi vers 15h-16h
Mirador Cruz del Condor : entre 7h et 9h

Soleil : N’oubliez pas votre crème solaire ! Le soleil tape fort, notamment l’après-midi ; nous sommes en haute montagne (3 300m) et mieux vaut éviter l’insolation.

Vêtements : Prenez plusieurs couches de vêtements car si en journée il peut faire très chaud, les températures descendent drastiquement le soir et la nuit ! (en juin/juillet/aout, il gèle la nuit).

Attention, pas de distributeur à Cabanaconde !
Il est toutefois possible de changer des euros/dollars sur la place, ou de faire un retrait dans une tienda (à coté de Reya) mais contre 10 % de charge.
L’idéal est de retirer de l’argent à Arequipa ou Chivay.

8 réflexions sur “Cabanaconde, confinement au cœur des Andes péruviennes

  1. gcurien dit :

    Ca fait du bien de vous lire. On pense à vous, forcément. Super que vous ayez pu quand meme un peu vous balader autour de la désormais célèbre ville de Cabanaconde. En faisant la lecture aux filles, elles veulent revoir « un jour sans fin », film qu’elles ont déjà vu 2 fois et adoré. On vous embrasse et on espère que cette nouvelle étape ne sera pas trop longue.
    On se régale toujours avec les photos, les photos en l’air sont toujours aussi top et c’est vraiment très bien écrit!!! Merci pour ça.

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  2. idiot78 dit :

    Content que vous soyez en bonne santé. Les plans à 1 an servent être révisés dès qu’on commence ( J’en sais quelque chose 😉 ). Bonne route et continuez à nous partager vos belles photos. Y cuando el condor pasa…Away, I’d rather sail away Like a swan that’s here and gone
    A man gets tied up to the ground He gives the world its saddest sound Its saddest sound…..

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